DNSEP


 
Il existe une véritable dichotomie dans notre rapport à l’accessibilité au monde, par exemple entre l’époque du cabinet de curiosités et celle des réseaux sociaux dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Autrefois, la connaissance du monde n’était pas immédiatement accessible, alors qu’aujourd’hui, nous sommes noyés dans une masse d’images et d’informations, esclaves spectateurs d’une surabondance de productivité de clichés et de publications. Tout peut, potentiellement, être obtenu dans l’instant. Ainsi, en sélectionnant des choses plus palpables, plus matérielles, comme les objets qui nous entourent, je souhaite faire un « retour en arrière ».

À l’époque du cabinet de curiosités, le moindre objet qui intriguait devenait une chose plus importante, merveilleuse, extraordinaire. Je pense notamment aux reptiles très symboliques accrochés au plafond de beaucoup de cabinets de curiosités de la Renaissance. Certes, pour l’époque, cet animal n’était pas connu et il était vu comme fascinant, dérangeant, voire comme un monstre trônant au-dessus de la salle d’exposition. Et l’effet était réussi : à travers sa mise en scène si particulière et si forte, le fait de l’accrocher au plafond renforçait son attraction. Alors que bien souvent, derrière cette interprétation, la réalité était bien plus pragmatique : il était placé en hauteur pour des raisons de conservation. En effet, les animaux empaillés sont des pièces fragiles dont la conservation est complexe, et ici on l’accrochait au plafond tout simplement pour éviter que les rongeurs ne viennent les altérer.

C’est à travers ce principe : accentuer un objet par une présentation, que je souhaite réinvestir le banal. L’utiliser comme matière première de production pour procurer chez les spectateurs un questionnement quant à l’origine de cette production, et ainsi concentrer notre regard sur des choses présentes. Ces choses présentes auxquelles nous ne prêtons pas, ou plus assez attention révélatrices de notre mode de vie, qui pourraient, demain, représenter l’époque dans laquelle nous vivons aujourd’hui.

Faire un état des lieux de l’existant, c’est le rendre encore plus présent.

Et signifiant.


juin 2021